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Depuis 2012, trois négociations collectives consécutives ont eu lieu (2012, 2016 et 2017), et le Sindicato Nacional de Trabajadores Estatales (SINTRAESTATALES) – affilié à l’ISP et représentant des travailleurs/euses du secteur public de Colombie, notamment des travailleurs/euses des collectivités locales et régionales/municipales – demande, dans ses revendications, que la municipalité de Bello (dans le département d’Antioquia) définisse des politiques publiques pour le travail digne et décent, non seulement dans les institutions publiques mais aussi dans l’ensemble du secteur privé présent sur son territoire. D’après le syndicat, il s’agit d’une mesure nécessaire pour promouvoir le travail digne et décent, l’officialisation de l’emploi et le développement économique local inclusif sur le territoire.
Quelques-uns des principaux acteurs syndicaux présents lors de l’approbation de l’accord sur les politiques publiques pour le travail digne et décent dans la municipalité de Bello : Darío Restrepo, Président de SINTRAESTATALES Colombie et membre du Comité exécutif de la CONTRAM/ISP/AMÉRICAS ; Adriana Mesa, Présidente de Sintraestatales pour Bello ; Juan Fernando Arango, Fonctionnaire du Secrétariat du développement économique de la municipalité ; Estela Suárez, Conseillère municipale et rapporteur pour le projet ; Sergio Velásquez, Secrétaire de cabinet du Secrétariat du développement économique de la municipalité de Bello ; Yessica J. Arango, Conseillère municipale et rapporteur du projet ; Jesús Octavio Jiménez, Président du conseil municipal. Bello, Antioquia, 18 avril 2017. |
Ces demandes répétées des travailleurs/euses locaux ont contribué à intégrer cette question au Plan de développement municipal élaboré en juin 2016 par la municipalité, ce qui a entraîné la création d’un groupe tripartite local. Après huit mois de travail et de négociations, un Accord tripartite de politique publique pour le travail digne et décent a vu le jour dans la municipalité de Bello.
La négociation d’accords tripartites sur le travail décent au niveau local constitue un outil important qui permet aux autorités locales et régionales/municipales de respecter le droit fondamental de négociation collective des employé(e)s municipaux. Cet outil permet par ailleurs de tenir les engagements mondiaux adoptés par les gouvernements dans le cadre de l'agenda de l'OIT pour le travail décent, de la création d’emplois de qualité et du développement économique local équitable, qui figurent dans le texte final du Nouvel agenda urbain à l’issue du sommet Habitat III à Quito, Équateur, en octobre 2016.
L’ISP a rencontré le Président national de SINTRAESTATALES, Darío Restrepo Valencia, également Secrétaire des droits du travail et des droits syndicaux de la CONTRAM-ISP-AMÉRICAS, pour discuter du processus à l’origine de cette avancée du mouvement syndical en Colombie et des enseignements que nous pouvons tirer de cette expérience pour les répéter et les partager avec le Réseau international des employé(e)s (municipaux/ales) des collectivités locales et régionales, mais aussi évoquer les défis qui restent à relever.
ISP : D’où est venue et comment s’est développée l’initiative de négocier un Accord de politique publique pour le travail digne et décent dans la municipalité de Bello ?
DRV : En Colombie, la Constitution politique de 1991 prévoyait la création d’une « Commission permanente de concertation des politiques salariales et du travail » tripartite, formée par le gouvernement national, les employeurs et les travailleurs, dans le but de promouvoir les bonnes relations de travail, de contribuer au règlement des différends collectifs de travail et de définir les politiques salariales et du travail.
La Commission, bien que créée en 1991 et réglementée en 1996, avait pratiquement cessé de fonctionner ; c’est pourquoi les travailleurs ont demandé au gouvernement de la réactiver et de la mettre en œuvre, dans la Négociation collective nationale du secteur public conclue le 16 mai 2013, pour aborder la question de l’officialisation de l’emploi afin de revoir la politique et les instruments de mise en œuvre et de suivi en matière d’emploi dans le secteur public. De la même manière, en 2015, les travailleurs ont exigé un Pacte national pour l’emploi digne et décent. C’est à ce moment-là que le gouvernement national a déterminé, par la loi 1753 de 2015, le Plan national de développement pour 2014-2018, dénommé « Tous pour un pays nouveau » :
« Article 74. Politique nationale de travail décent. Le gouvernement national, sous la coordination du ministère du Travail, adoptera la politique nationale de travail décent pour promouvoir la création d’emplois, l’officialisation du travail et la protection des travailleurs des secteurs public et privé. Les entités territoriales prévoiront des politiques de travail décent dans leurs plans de développement, conformément aux directives émanant du ministère du Travail. Par ailleurs, le gouvernement national fixera les règles permettant de garantir que les entreprises respectent pleinement les normes de travail dans les processus d’externalisation. Le gouvernement national devra veiller à ce que les activités permanentes des entités publiques soient mises en œuvre par des employés en lien avec des groupes de personnel, sauf dans les cas spécifiés par la loi.
Article 75. Renforcement du dialogue social et de la concertation.Le gouvernement national, par le biais du ministère du Travail, favorisera les programmes axés sur le territoire qui renforcent le dialogue social et la concertation sur le travail, l’importance des droits fondamentaux du travail et la pérennité des entreprises ».
S’inspirant des accords issus de la négociation nationale, le Sindicato Nacional de Trabajadores Estatales (SINTRAESTATALES), au sein de la municipalité de Bello, a demandé dans ses revendications lors des trois dernières négociations (en 2012, et à l’occasion des négociations municipales de 2016 et 2017) que la municipalité de Bello définisse des politiques publiques pour le travail digne et décent, non seulement dans les institutions publiques mais aussi dans l’ensemble du secteur privé établi sur son territoire.
C’est ainsi qu’en juin 2016 les autorités municipales de Bello nous ont convoqués pour créer et faire partie d’un groupe tripartite local. Depuis lors, en l’espace de huit mois, nous avons œuvré pour construire conjointement ce qui est aujourd’hui devenu une réalité : l’Accord municipal 005 du 18 avril 2017 « qui permet d’établir des politiques publiques destinées à créer de l’emploi et à garantir le droit à un travail digne et décent dans la municipalité de Bello ».
Séance plénière du conseil municipal de Bello, Antioquia, Colombie, pendant le deuxième débat sur le projet d’accord « qui permet d’établir des politiques publiques destinées à créer de l’emploi et à garantir le droit à un travail digne et décent dans la municipalité de Bello ». 18 avril 2017. |
ISP: Quels sont les acteurs sociaux de cet accord (syndicats, entrepreneurs, gouvernement) et comment s’est déroulée la négociation ? Quels étaient les intérêts principaux et qu’est-ce qui a permis de trouver un accord entre ces acteurs ?
DRV : Le groupe tripartite, que nous avons appelé « Groupe permanent de dialogue social et de concertation des politiques salariales pour la municipalité de Bello », est assez vaste et se compose, entre autres, des acteurs sociaux suivants : mairie de Bello (secrétariat du développement économique), ministère du Travail (direction territoriale d’Antioquia), plusieurs associations professionnelles économiques d’entrepreneurs du secteur privé (Chambre de commerce, caisses de compensation des prestations familiales), la Central Unitaria de Trabajadores (CUT), le Sindicato Nacional de Trabajadores Estatales (SINTRAESTATALES section de Bello), diverses organisations sociales (assemblées administratives locales, actions communales, comités de quartier), des représentants de populations vulnérables (femmes, LGBTI, handicapés, jeunes, paysans) et plusieurs institutions de l’enseignement supérieur (SENA, École polytechnique Marco Fidel Suárez).
ISP : Quelles sont les parties les plus innovantes, intéressantes et porteuses de potentiel de cet accord ? Quelles sont les responsabilités, quels sont les mécanismes de suivi et les ressources pour financer ce projet ?
DRV : L’accord prévoit une section sur les « Programmes d’investissement de la politique publique pour le travail digne et décent » qui recentreront les projets et les investissements de la municipalité de Bello sur le rayonnement, la stimulation et la création effective de nouvelles sources d’emploi décent, grâce à de nouvelles entreprises ou au renforcement des entreprises déjà existantes. Ces programmes auront également une incidence sur l’officialisation du travail, dans le but de réduire le taux de chômage, d’améliorer les conditions de travail et ainsi de limiter la pauvreté et les inégalités sur le territoire de la municipalité.
Le délai accordé pour réglementer cet accord étant à peine de six mois, il faudra commencer immédiatement. L’obligation de cette réglementation pèse sur tout le monde, bien entendu, donc sur chacun des acteurs sociaux appartenant au groupe tripartite. Le contrôle et le suivi du respect de l’accord reviennent principalement aux autorités municipales, qui devront présenter des rapports annuels à ce sujet.
En ce qui concerne le financement de l’accord, au moment de sa création, les parties concernées n’ont pas souhaité le « lier » à une source spécifique mais ont préféré donner des précisions dans la règlementation de l’opération.
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Bâtiment Gaspar de Rodas, où se trouve le siège central de la municipalité, sur la place principale de la ville. |
Parc Santander. Place centrale de la ville de Bello. |
ISP : Quel rôle les syndicats publics municipaux jouent-ils dans l’élaboration de politiques d’emploi décent et dans le développement économique local ?
DRV : En Colombie, les syndicats d’employés publics municipaux jouent un rôle essentiel dans l’élaboration des politiques publiques pour le travail digne et décent, ainsi que dans le développement économique local, étant donné que les initiatives visant à améliorer les conditions de travail, aussi bien dans le secteur public que privé, ne viennent pas des employeurs ni des autorités locales, mais des luttes que mènent les travailleurs pour améliorer leurs conditions d’emploi et offrir une vie plus juste, équitable et digne, à leur famille et à eux-mêmes.
Pour nous, employés publics de la municipalité de Bello, et à plus forte raison pour ceux d’entre nous qui représentent les dirigeants syndicaux locaux, affiliés à SINTRAESTATALES, cet accord constitue une immense avancée vers la reconnaissance des droits du travail des fonctionnaires, mais aussi des employés du secteur privé présents dans notre municipalité.
Bien entendu, nous ne crions pas victoire pour le moment. Nous devons maintenant réglementer et concrétiser ces politiques qui, selon les termes de l’accord, il faut bien le reconnaître, s’inscrivent dans un cadre encore très général et abstrait. C’est un grand défi à relever, mais nous sommes totalement disposés à y faire face et à mener à bien notre mission. Nous avons déjà fait le premier pas et les dirigeants syndicaux que nous sommes ne se soustrairont pas à leurs devoirs et à leurs responsabilités. En tout cas, l’accord est désormais l’outil principal pour exiger le respect des droits du travail des employés, ainsi que l’instauration et la réalisation de conditions dignes et justes dans les postes de travail.
Au final, personnellement, je pense que nous effectuons de manière satisfaisante la tâche qui nous incombe, dans la mesure de nos possibilités et de nos domaines de compétences (au niveau local) : nous respectons les postulats mondiaux de l’OIT en ce qui concerne la lutte pour le travail décent des plus défavorisés, nous respectons et appliquons, de la même manière, les directives internationales de l’ISP et, bien entendu, nous respectons les engagements et les missions figurant dans le Plan d’action de notre secteur, au niveau municipal, avec l’organisation CONTRAM/ISP/AMÉRICAS.
La localité de Bello a été fondée en 1676 et déclarée municipalité en 1913. Elle s’étend sur 149 km2 et compte 700.000 habitants. Elle est située à 1450 mètres d’altitude au-dessus du niveau de la mer et se trouve à 8 km de Medellín, la capitale du département d’Antioquia. La température moyenne de Bello s’élève à 22°C. |
ISP : Comment peut-on reproduire cette expérience dans d’autres municipalités de Colombie et du monde, et quel conseil donneriez-vous à d’autres syndicats municipaux et locaux pour encourager des processus aussi fructueux que le vôtre ?
DRV : En Colombie, il faut savoir que c’est seulement la troisième expérience en matière de politiques publiques pour le travail digne et décent mises en place dans des collectivités locales. Les deux premières expériences, encore récentes, ont été réalisées dans les villes de Bogotá, la capitale du pays, et de Medellín, la capitale du département d’Antioquia et deuxième plus grande ville colombienne.
Le conseil que je donnerais aux organisations syndicales municipales est d’exiger de manière ferme et permanente, dans toutes leurs négociations, que les autorités locales et régionales établissent sur leurs territoires, par voie réglementaire, de véritables politiques publiques pour le travail digne et décent dans le but de favoriser et d’améliorer non seulement les conditions d’emploi et de vie des travailleurs et de leur famille, mais aussi pour protéger efficacement et réellement le développement économique local et régional. Et dans les pays et les villes où, malheureusement, les conditions ne sont pas encore réunies pour privilégier la négociation collective, il faudra recourir à la concertation et au dialogue social avec les autorités publiques, en cherchant toujours à obtenir la volonté politique et la disposition favorable des dirigeants, mais sans jamais abandonner la conviction que cette volonté politique doit aussi partir de nos instances et de nos organisations syndicales locales.
ISP : À votre avis, ces accords peuvent-ils favoriser le processus de paix en Colombie ?
DRV : Oui, bien sûr. De fait, une des exigences directes du ministère national du Travail, au sein du groupe de travail qui a défini et présenté le projet d’accord au conseil municipal de Bello, était de prendre en compte des éléments qui garantissent l’investissement social de la politique de travail digne et décent pour promouvoir l’officialisation du travail dans le milieu rural, la production agricole, l’économie solidaire et coopérative, et de fournir une assistance technique post-conflit à cet égard. Et tout cela conformément à ce que le gouvernement national et les FARC-EP avaient conclu lors des dialogues de La Havane, à Cuba.
C’est ainsi que nous avons présenté les choses dans le projet d’accord, et le Conseil municipal les a reprises telles quelles. Nous avons seulement ajouté une précision lors de la rédaction, qui nous paraissait pertinente et nécessaire, à savoir que nous ne devrions pas parler de « post-conflit » mais plutôt de « post-accord », étant donné que ce qui a finalement été signé entre les parties est bien un accord. Cependant, en Colombie, le conflit armé et la violence politique et sociale sont encore perceptibles et divers acteurs, malheureusement, sont toujours présents ; la Colombie n’en a pas fini avec le conflit social violent.
Article préparé en collaboration avec SINTRAESTATALES
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