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Une aide sociale en danger face aux réformes de santé en Finlande

11 Avril 2017
Social care working in Finland
Le secteur de la santé et des services sociaux est engagée en Finlande dans des réformes majeures. Les services actuellement assurés par les 313 municipalités finlandaises vont être transférés à 18 régions autonomes (zones sociales et de santé (SOTE)) qui seront créées en 2019. Ces réformes prévoient aussi une représentation plus importante des intérêts privés lucratifs dans les prestations sociales et de santé, avec des conséquences négatives pour la population.

L'agenda a été dévoilé par le Premier Ministre Juha Sipilä, en juin dernier, dans un programme législatif de 600 pages. Il illustre la volonté de privatiser les services publics et d'augmenter la participation des prestataires de services privés dans la santé publique. Les services auxiliaires, tels que la restauration et le nettoyage, seront confiés à des entreprises dont les propriétaires seront les SOTE et le projet défend une plus grande dépendance envers des prestataires privés.

Une santé et des services sociaux universels et financés par des fonds publics ont toujours constitué l'un des principaux piliers de l'état providence finlandais. Les Finlandais confirment la qualité de leur système de santé puisque 88 % de la population dit en être satisfait, contre 41,3 % en moyenne dans l'UE.

Ce qui n'est pas surprenant si l'on considère l'état de santé dans le pays.  L'espérance de vie a nettement augmenté ces dernières décennies, atteignant 84 ans pour les femmes et 78 ans pour les hommes. La mortalité infantile et maternelle figure parmi les plus basses au monde. Le programme de vaccination est tout aussi excellent avec 99 % des enfants de moins de 2 ans qui sont vaccinés contre la coqueluche et la rougeole.

Malgré ce franc succès de la santé publique universelle, des arguments pro-réforme se font entendre depuis les années 1990. Des étapes ambitieuses ont été envisagées en 2008, mais n'ont pas vu le jour.

Les partisans de la réforme affichent leur volonté de régler les inégalités sociales. Il existe de longues listes d'attente pour certaines procédures médicales spécifiques dans les établissements de soins publics, que les groupes de personnes à revenus élevés évitent en recourant à des prestataires privés, ou bien des « voies rapides » réservées à la médecine du travail, qui profitent aux professionnels.

L'augmentation des dépenses de santé, en partie due au vieillissement de la population, est également une excuse présentée pour justifier la réforme. Ces dépenses de santé qui étaient de 6,9 % du PNB (14 milliards € en prix fixes en 2014) en 2000, sont passées de ce fait à 9,6 % en 2015 (21 milliards €). Ce qui n'est que légèrement supérieur à la moyenne de l'OCDE qui est de 9,1 %. L'argument avancé par le gouvernement pourtant est que la réforme est censée faire économiser 3 milliards € d'ici 2030.

Ce sont là de nobles objectifs et la réforme n'est pas sans comporter quelques éléments utiles. Les SOTE, par exemple, qui seront issus des structures sanitaires secondaires existant déjà dans les régions, contribueront à favoriser la mutualisation des ressources pour la prestation de services. Les remboursements par KELA (organisme d'assurance sociale), c'est-à-dire de l'état aux prestataires privés pour les dépenses médicales engagées par les résidents, seront supprimés, mettant fin au système de subvention des soins privés par le budget public.

Mais le rôle des prestataires privés sous le nouveau régime de santé provoque l'inquiétude. Il est probable qu'ils aient plus de pouvoir dans la mesure où le « choix » entre un accès aux soins par un prestataire privé ou public sera sans doute élargi. Parallèlement, la plupart des sociétés privées dans le secteur de la santé et des services sociaux sont détenues par des fonds de capitaux internationaux, qui sont connus pour leur goût pour l'évasion fiscale et les paradis fiscaux.

Un doute subsiste aussi quant au devenir de la nouvelle structure administrative gérant la prestation de soin de santé, de même qu'au sujet des conséquences de ce changement sur les conditions de travail des personnels. Les syndicats comme JHL et Tehy pensent que cela pourrait « aboutir à des réductions de salaires et des avantages sociaux ».

Ce qui est certain, c'est que la prestation de services va maintenant suivre une logique de concurrence et non plus se fonder sur les droits, principe qui a sous-tendu le système de santé universel depuis 1929. Les sociétés qui seront mises en place par les SOTE devront concurrencer les prestataires de soins privés, ouvrant la porte à une marchandisation de la santé.

Cela représente un pas en arrière. Il est capital que l'état finlandais réaffirme son engagement dans la coordination et le financement des services sociaux et sanitaires publics. La libéralisation du système de santé, comme la libéralisation de l'économie dans les années 1980, aura certainement des répercussions négatives sur la plupart des Finlandais.

La vague de « remunicipalisation », qui a touché plus de 100 communes que les problèmes de qualité et de prix ont amené à dénoncer des contrats d'externalisation passés auprès de prestataires privés, nous donne un avant-goût des dangers qui guettent si les garde-fous nécessaires ne sont pas mis en place pour protéger le système de santé.

Il est également instructif de savoir que cinq multinationales contrôlent à elles seules 72% du marché de sous-traitance des services sanitaires et sociaux qui est actuellement valorisé à 5 milliards €.  Il est évident que ces circonstances donneraient naissance à un oligopole dans le domaine de la santé, avec pour seul moteur de dégager des profits.

Il est urgent d'agir maintenant en Finlande pour s'assurer que le droit à la santé de l'immense majorité de ses citoyens ne sera pas sacrifié sur l'autel des réformes qui profitent aux intérêts privés. Il est temps de faire preuve d'un engagement décisif en réfléchissant à l'agenda de la réforme et d'en rejeter les composantes qui annoncent ce danger imminent.

Contributions d'Eveliina Petälä & Heikki Jokinen (JHL) et de Sari Koivuniemi (Tehy)

Cet article est extrait de Bulletin d’information « Droit à la Santé », numéro 01/2017. Abonnez-vous au bulletin. Envoyez-nous vos articles.

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