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Par Nayareth Quevedo
Par six votes contre quatre, le Tribunal constitutionnel du Chili a rejeté ce lundi 21 août les deux recours déposés par le parti de droite ChileVamos contre le projet de loi dépénalisant l’avortement dans trois cas de figure. C’est maintenant au tour de la présidente Michelle Bachelet de promulguer la loi, qui a d’ores et déjà été approuvée par le Parlement et qui légalise l’avortement pour les femmes dont la vie est en danger, qui ont été violées ou dont le fœtus est jugé non viable.
« C’est un jour historique pour le Chili, car le projet de loi dépénalisant l’avortement dans trois cas de figure, qui permettra de rétablir le droit des femmes à décider de leur grossesse, a enfin été approuvé cet après-midi après près de trois ans de discussions », a déclaré à la sortie du tribunal Gabriela Farías, présidente de la Fédération nationale des professionnel(le)s universitaires des services de santé (Federación Nacional de Profesionales Universitarios de los Servicios de Salud, FENPRUSS), l’un des affiliés de l’ISP au Chili.
Peu après quatorze heures, le Tribunal constitutionnel a rendu son verdict et annoncé qu’il approuvait le projet d’avortement pour chacun des cas, entraînant l’euphorie et la joie des organisations syndicales et sociales ainsi que des personnes présentes à la sortie du tribunal, qui se sont dirigées vers le palais de La Moneda afin de saluer le travail mené par les autorités pour que ce projet devienne réalité.
« En tant qu’organisation de santé municipale, nous travaillons directement avec les femmes les plus touchées par ces problèmes, souvent issues des classes sociales les plus vulnérables et les plus affectées par des politiques publiques qui ne sont pas en mesure de leur assurer un accès à un avortement sécurisé lorsque leur situation ne leur permet pas de poursuivre leur grossesse », explique Carolina Espinoza, chargée du genre à la Confédération nationale des travailleurs/euses de la santé municipale (Confederación Nacional de Trabajadores de la Salud Municipalizada, CONFUSAM, également affilié à l’ISP) et représentante du Cône Sud du Comité mondial des femmes de l’ISP.
Avant Michelle Bachelet, aucun président chilien n’avait proposé de dépénaliser l’avortement, que le dictateur Auguste Pinochet avait interdit en 1989, peu de temps avant de quitter le pouvoir. La chef du gouvernement elle-même avait évité de présenter un projet de loi légalisant l’avortement lors de son premier mandat, entre 2006 et 2010.
Proposer une loi sur l’avortement au Chili signifiait devoir affronter, entre autres, les groupes les plus conservateurs du Parti démocrate-chrétien, l’un des partis les plus importants de sa coalition, qui a mené au pouvoir les chefs de gouvernement Patricio Aylwin (1990-1994), Eduardo Frei Ruiz-Tagle (1994-2000) et Ricardo Lagos (2000-2006). La présidente a toutefois décidé de prendre ce risque politique, malgré les critiques qu’elle devait déjà essuyer au sujet de ses réformes sur la fiscalité et l’éducation au moment de signer ce projet.
« Michelle Bachelet a eu le courage de mener à bien son engagement politique dans l’un des seuls pays où l’avortement est pénalisé et dans une société qui, de la dictature jusqu’à aujourd’hui, a eu beaucoup de difficultés à parler de thèmes liés aux droits sexuels », a déclaré dans la presse María Inés Salamanca, représentante d’ONU Femmes au Chili.
De son côté, Marcia Lara, vice-présidente de la section « Femmes » du Regroupement national des employé(e)s fiscaux/ales (Agrupación Nacional de Empleados Fiscales, ANEF, également affilié à l’ISP), affirme que ce résultat « est une victoire, pour les femmes en général et tout particulièrement pour les femmes qui se retrouvent enceintes à la suite d’un viol. Pendant de nombreuses années, des femmes ont été torturées dans ce pays et ont été obligées d’avoir des enfants après avoir été victimes de viol ».
C’est le travail ardu des différentes institutions et des nombreuses organisations sociales, à chaque étape de ce long processus, qui a permis de transformer ce projet en loi.
Il y a trois ans, le Comité mondial des femmes de l’ISP a décidé de soutenir la lutte pour cette cause au Chili, en menant différentes actions auprès du lobby parlementaire et du Congrès national, en s’associant avec les organisations de femmes et en promouvant cette revendication dans la rue et dans la presse. Le Chili a gagné et les femmes ont fait un pas de plus vers leurs droits et l’égalité !