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Cette décision du tribunal marque l'apogée de nombreuses années de résistance opposée par une large coalition réunissant des habitant(e)s de Jakarta, des syndicats et autres militant(e)s en faveur de la justice de l'eau. [1] Ce mouvement s'opposait non seulement à la décision initiale, empreinte de corruption et particulièrement opaque, prise par le régime de Soeharto, en 1997, de privatiser le service de distribution d'eau ; mais contestait également manipulations incessantes des opérateurs privés qui avaient pour seul dessein d'accroître leurs profits, et non d'améliorer les services de distribution d'eau. La couverture des services de distribution d'eau est plus faible que prévu et le taux de fuites d'eau est élevé (44 %) ; le tarif de l'eau a quant à lui quadruplé depuis la mise en place de la privatisation (passant de 1 700 Rp/m3 à 7 020 Rp/m3), soit un montant 2,7 fois plus élevé que le tarif de l'opérateur public de Surabaya, la deuxième plus grande ville du pays. [2]
Rosa Pavanelli, Secrétaire générale de la fédération syndicale internationale Internationale des Services Publics, a déclaré :
« Si la décision rendue hier est une victoire pour les citoyen(ne)s et les travailleurs/euses de Jakarta, elle l'est également pour le mouvement mondial pour l'eau. Elle témoigne en outre de l'échec des stratégies de privatisation malavisées et à court terme de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement, qui sont non seulement malvenues, mais également illégales. Nous appelons la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement à abandonner immédiatement toutes leurs initiatives de privatisation des services de distribution d'eau et d'assainissement, notamment à Nagpur et à Mysore, en Inde, ou encore à Lagos, au Nigeria. » [3]
La décision du tribunal central du district de Jakarta fait écho à l'arrêt prononcé par la Cour constitutionnelle indonésienne le 20 février 2015, qui a abrogé la Loi n°7/2004 sur les ressources en eau, promulguée par le gouvernement indonésien, et ce, une nouvelle fois sous la pression de la Banque mondiale. Cette décision se fondait sur le principe selon lequel la gestion et l'affectation des ressources en eau doivent servir le bien public. Dès lors, les sociétés privées n'ont aucunement le droit de s'arroger le monopole sur les sources d'eau. [4]
Nila Ardhianie, Directrice de l'Amrta Institute for Water Literacy en Indonésie, a déclaré :
« Nous saluons ces deux verdicts. A Jakarta, le pouvoir de décision revient à présent au gouverneur. Ensemble, nous pouvons mettre en place un service public efficace pour toute la population. Nous pouvons également bénéficier du soutien d'importants services publics – d'Indonésie comme du reste du monde –, sans toutefois devoir pâtir des dérives du profit à tout prix. »
Ce phénomène de « remunicipalisation » des services de distribution d'eau n'est pas propre à Jakarta, mais affecte en réalité de nombreuses autres grandes villes, telles que Paris, Berlin, Budapest, Buenos Aires, Accra, Dar es Salaam, ou encore Kuala Lumpur. [5] La plupart de ces remunicipalisations revêtent désormais un caractère idéologique en raison des échecs cuisants de la privatisation, qui n'est pas parvenue à générer des investissements et qui s'est, en définitive, soldée par des services médiocres et un prix de l'eau prohibitif. Les services publics de distribution d'eau sont mieux à même de répondre aux besoins sociaux et environnementaux, essentiels à une planification durable de l'eau à l'avenir.
Selon Fiona Dove, Directrice exécutive du Transnational Institute :
« La victoire des citoyen(ne)s de Jakarta va considérablement accentuer la tendance mondiale croissante à tourner le dos à cette politique de privatisation désastreuse dans de nombreuses villes, et à reprendre le contrôle des services de distribution d'eau. Ce tournant permettra à de nombreuses autorités locales de clore le chapitre de la privatisation, qui s'est avéré non viable à l'échelle mondiale, et ce, tant sur le plan social qu'économique. » [6]
Ces deux décisions de justice majeures en Indonésie ouvrent la voie à des discussions fondamentales au regard du droit à l'eau et des solutions alternatives à la privatisation de l'or bleu, et ce, quelques semaines avant le rassemblement des gouvernements et d'autres décideurs du secteur à l'occasion du Forum mondial de l'eau, qui se tiendra en Corée du Sud, du 12 au 17 avril.
Notes:
[1] KMMSAJ (the People’s Coalition Against Jakarta Water Privatization) filed the Citizen Lawsuit in 2013 accusing the privatisation project of being unlawful under the Indonesian constitution, which defines water as a human right.
[2] http://www.tni.org/sites/www.tni.org/files/download/fact_sheets_2_the_impact_final.pdf
[3] http://www.theguardian.com/global-development/2015/jan/30/water-privatisation-worldwide-failure-lagos-world-bank?CMP=share_btn_fb; http://www.remunicipalisation.org/#case_Nagpur
[4] http://www.loc.gov/lawweb/servlet/lloc_news?disp3_l205404328_text\; http://www.thejakartapost.com/news/2015/02/20/court-bans-monopoly-water-resources.html; http://www.canadians.org/sites/default/files/publications/RTW-Indonesia-...
[5] See www.remunicipalisation tracker on Accra (Ghana), Berlin (Germany), Buenos Aires (Argentina), Budapest (Hungary), Kuala Lumpur (Malaysia), La Paz (Bolivia), Maputo (Mozambique), and Paris (France).
[6] http://www.tni.org/briefing/here-stay-water-remunicipalisation-global-trend?context=599