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Dans le sillage des soulèvements populaires de 2012, l'UE a lancé « un partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée » avec ses pays partenaires du sud de la Méditerranée. Cette stratégie axée sur une transition démocratique, un partenariat avec le peuple et la société civile, ainsi que sur une croissance durable et inclusive, s'inscrit dans le cadre de la nouvelle politique européenne de voisinage (PEV). Tout au long de la journée, les participant(e)s – des organisations de la société civile arabe et européenne, des parlementaires européens et des membres de la Commission européenne (DG Commerce) – ont engagé un débat honnête et ouvert sur les relations entre l'UE et la région MENA, en vue d'analyser les changements de ces deux dernières années, depuis le printemps arabe.
L'une des stratégies politiques de l'UE à l'égard du sud de la Méditerranée réside dans la création d'une zone euro-méditerranéenne de libre-échange renforcée, en vue de supprimer les obstacles au commerce entre les deux rives de la Méditerranée. À cet effet, en vertu du partenariat de Deauville, le Conseil européen a accepté de négocier des accords de libre-échange approfondis et complets avec quatre pays arabes en pleine transition – l'Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie –, en tant qu'outils permettant de stimuler la croissance économique et d'attirer les investisseurs dans la région du sud de la Méditerranée. Les discussions ont notamment porté sur le commerce, l'investissement et le rôle du secteur privé, les politiques fiscales en tant que vecteur de redistribution, ainsi que sur les inégalités engendrées par les accords commerciaux et d'investissement.
M. Malaoui a mis en lumière le caractère informel de nombreux secteurs économiques d'Algérie et de la région MENA. Cette situation a un impact direct sur les droits des travailleurs/euses, mais également sur l'incapacité de l'État à percevoir les impôts et à les redistribuer. Entre 40 % et 60 % des recettes fiscales de la région MENA proviennent de taxes indirectes, ce qui vient encore creuser les inégalités existantes. Parallèlement, la fraude et l'évasion fiscales influencent fortement les fonds alloués à la création d'emplois et aux services publics. Depuis le printemps arabe, le gouvernement algérien a resserré l'étau sur la société civile, continué de menacer les syndicats indépendants et imposé des réformes légales régressives qui mettent toujours plus à mal les droits humains, les droits sociaux et les droits des travailleurs/euses. À moins d'accorder la priorité aux droits humains et sociaux, la situation en Algérie pourrait une nouvelle fois devenir explosive, a averti M. Malaoui.
Des représentants de la société civile de Palestine et de Jordanie ont également vivement critiqué les accords de libre-échange qui profitent aux grandes entreprises étrangères, au détriment des économies locales. En outre, au vu du climat social fortement instable qui règne dans de nombreux pays arabes, ils ont fait part de leurs sérieux doutes quant à l'impact potentiel d'un renforcement de la coopération économique avec l'UE. Chaque année, les gouvernements étouffent des centaines de grèves, tandis que les forts taux de chômage et de sous-emploi sont autant de symptômes caractéristiques des économies affichant une balance commerciale déficitaire et où la production nationale est quasiment nulle. Les représentants ont insisté sur le fait que les flux commerciaux actuels ne favorisaient ni une croissance inclusive, ni davantage d'emplois ou des emplois plus décents.
L'ONG Bankwatch a souligné le fait que les nombreux investissements effectués par la BERD et d'autres instruments de financement européens visaient les secteurs de l'énergie, du transport et des ressources naturelles, et non le soutien du développement de l'économie locale. Le pouvoir discrétionnaire considérable exercé par les hauts dirigeants du secteur bancaire est fortement influencé par les intérêts des entreprises européennes, et ouvre dès lors la voie à la corruption. La transparence, l'État de droit et l'implication des acteurs locaux s'avèrent plus que nécessaires. L'éventualité que le système de règlement des différends entre investisseurs et États ne vienne paralyser les droits humains dans la région, tout comme les alternatives politiques des gouvernements, ont également été abordées.
Elly Schlein, membre du Groupe des Socialistes et Démocrates (S&D) du Parlement européen, a souligné l'importance du programme de développement pour l'après-2015, dans la mesure où ce dernier offrira un cadre pour le monde entier, bien éloigné des intérêts commerciaux, et crée un nouveau paradigme applicable tant aux pays développés qu'en développement. Elle a également mis en lumière la nécessité d'une justice fiscale dans la région MENA, ainsi que le besoin pour l'UE de lutter contre le manque de respect à l'égard des droits humains et des droits des travailleurs/euses dans la région. M. Enrique Guerrero-Salom (S&D) a, quant à lui, abordé la nécessité de créer une banque méditerranéenne de développement en vue de soutenir l'investissement dans les biens et les services publics.
Si les participant(e)s se sont accordés sur le fait que l'UE défende ses intérêts économiques par le biais d'accords commerciaux, on observe un fossé évident entre le point de vue des groupes progressistes au sein du Parlement européen et la position adoptée par la Commission européenne. Il s'avère nécessaire de remanier les politiques européennes, en élevant le développement social et la lutte contre les inégalités, une nouvelle stratégie de migration et une coopération renforcée sur le plan culturel, au rang de priorité.
Dans l'après-midi, une autre séance s'est concentrée sur l'impact social de la politique de voisinage. Enfin, différentes réunions organisées par SOLIDAR sont venues clôturer cette journée de discussions et de planification stratégique entre l'UE et les organisations de la société civile de la région MENA, organisée le 11 décembre.