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Verónica Montúfar*
Le mouvement #MeToo a rappelé dans le monde entier que le harcèlement et les agressions sexuelles font partie de la vie professionnelle de la plupart des femmes. Mais ce coup de projecteur venu d'Hollywood ne doit pas nous faire oublier qu’elles souffrent de bien d’autres formes de violence sur leur lieu de travail.
Agressions sexuelles, insultes, humiliations, discriminations, mais aussi ordres contradictoires ou isolement du reste des équipes : en France, leur nombre a pratiquement doublé en six ans, comme l’a récemment révélé l’Observatoire national de la délinquance et de la répression pénale (ONDRP). Une situation d’autant plus douloureuse que beaucoup de femmes préfèrent ne pas dénoncer leurs agresseurs, ne sachant pas vers qui se tourner ou par peur de perdre leur emploi.
Même si les hommes peuvent aussi être victimes de violence et de harcèlement au travail, « il y a une vraie spécificité pour les femmes », insiste l’ONDRP, du fait des stéréotypes et de l'inégalité dans les relations de pouvoir. Et pour beaucoup de femmes, le calvaire se poursuit en rentrant à la maison, où elles seront devront faire face à la violence de leur conjoint. Selon ONU Femmes, 35 % des femmes dans le monde ont subi des violences physiques et/ou sexuelles à un moment ou à un autre de leur vie.
Ce gigantesque non-dit dans l’entreprise finit par avoir des conséquences sur le bien-être physique et psychologique, générant de graves problèmes de santé, tels l'anxiété, la dépression, les crises de panique, les troubles du sommeil, le déficit d'attention, les problèmes de mémoire et le sentiment de vulnérabilité. Dans certains cas, il mène au suicide.
Cette situation peut conduire les femmes à quitter leur emploi ou à abandonner leur travail, ce qui entraîne des interruptions d'emploi avec des conséquences sur les revenus actuels et futurs (en particulier en termes de droits à la retraite, etc.), aggravant plus encore l'écart de rémunération déjà inacceptable de 23% entre femmes et hommes au niveau mondial.
Même si la violence au travail touche tous les secteurs et toutes les catégories de travailleurs, la santé - où les femmes sont majoritaires – constitue le cas le plus criant. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la violence dans ce secteur représente un quart des agressions commises sur le lieu de travail. Aux Etats-Unis, un rapport révèle que 54 % des infirmières d'urgence ont déclaré avoir été victimes de violence au travail dans les sept jours précédant leur participation à cette étude.
Interrogées sur l’origine des agressions, les infirmières désignent patients et visiteurs d'une part, collègues et supérieurs d'autre part. En réalité, la violence sur le lieu de travail, et son augmentation constante, a également des causes externes. Elle s'intensifie dans les situations de guerre et de crise économique. Elle est aussi une conséquence des privatisations et des mesures d'austérité, avec leur cortège de mesures de « déréglementation » et de « flexibilité ».
Entre les abandons et les départs en retraite non remplacés, les rythmes décalés, les heures supplémentaires jamais récupérées, le manque d'effectifs chronique se double de contrats atypiques et de manque de sécurité, tous facteurs identifiés par l'Organisation internationale du Travail (OIT) comme augmentant les risques d’agressions.
De même, les victimes de violence ne se trouvent pas seulement sur le lieu de travail.
Dans les hôpitaux, l'épuisement et le ras-le-bol du personnel finit à nuire à la qualité des services délivrés aux patients et à leurs proches. L’impact de la violence au travail provoque de nombreux troubles dans les familles, avec des problèmes scolaires pour les enfants. En somme, cette violence finit par accroître la peur et l'anxiété dans la société.
La manifestation de la violence peut être verticale ou horizontale, elle peut aussi être causées par des tiers ou se répercuter sur des tiers. C’est justement ce concept de «tiers » que l'Internationale des services publics (ISP) préconise d'inclure pour envisager les victimes et les responsables d'actes de violence au travail. Et l’OIT vient d’ailleurs de proposer d’en faire un élément de l’accord qui sera négocié en 2019.
En cette Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, il est impératif de rappeler que la détérioration des environnements de travail, c'est-à-dire la déréglementation et le démantèlement du secteur public pour le remettre au capital privé, est l'une des principales causes de violence dans les services publics. Seul le dialogue social et l'établissement de mesures concrètes de protection et de prévention entre les acteurs du monde du travail - les employeurs, les travailleurs et les gouvernements – parviendront à lutter contre ce fléau.
* Verónica Montúfar est la responsable de l'ISP pour les questions d'égalité.
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